Lors de cet échange pour notre série “Lean Manager Interview”, Woody a partagé avec nous ce qu’il essaye de réussir avec des pratiques du Lean Management. Le focus est mis sur ce qu’il expérimente pour mieux satisfaire les clients, améliorer les conditions de travail, réduire des gaspillages ou encore apprendre plus vite ensemble avec ses équipes.
Si vous souhaitez être interviewé de la même manière, n’hésitez pas à m’écrire, je vous appelle pour discuter des points essentiels.
Qui est-tu ?
Je suis ingénieur. J’ai débuté comme développeur d’applications web chez Theodo où j’ai alors développé de l’intérêt pour les pratiques Lean de l’entreprise tout en gardant de l’appétence pour la technique. Je suis passionné par le fait de faire progresser des équipes techniques. Aujourd’hui je suis le CTO de Sipios. Nous sommes 16 aujourd’hui. Nous aidons nos clients, entreprises de la finance, à lancer de nouvelles offres dans le Digital, d’une part en les conseillant sur leur produit et comment les lancer rapidement, et d’autre part en développant ces produits.
Quel est ton métier ?
C’est difficile à dire car il y a plusieurs facettes dans ce que je fais aujourd’hui. Mais ce que je fais le plus, c’est coacher les équipes techniques. Je dois m’assurer que les personnes qui nous rejoignent progressent suffisamment vite pour atteindre leurs objectifs.
Comment l’exerces-tu ?
Quand tu arrives chez nous, tu commences en tant que développeur d’applications web. L’étape suivante est un rôle d’architecte développeur. C’est en fait un rôle de team leader. J’essaye de comprendre les gestes que doit maîtriser un développeur pour passer à ce nouveau rôle, et ensuite de le former pour qu’il y arrive rapidement.
Que faites-vous concrètement chez Sipios ?
Nos clients – des acteurs de la finance – ont un problème business à résoudre. Nous les aidons à trouver un produit que nous lançons très rapidement et qui répond à ce problème. En fait nous allons le concevoir avec eux, pour ensuite le développer pour eux dans des délais records.
Où est la dimension Lean ?
Nous faisons du Lean sur l’aspect vente, typiquement comment faire pour conclure un deal après un 1er rendez-vous. Nous en faisons pour le recrutement sur comment recruter 16 personnes en 5 mois. Nous en faisons aussi sur les projets où nous menons des Kaizen pour faire des applications plus rapides, faire en sorte qu’une application fonctionne avec plusieurs navigateurs à la fois. Par exemple, Nous observons que certaines entreprises arrivent à développer des applications pour d’anciens navigateurs comme Internet Explorer, mais qui ne peuvent être à la pointe en termes d’expérience utilisateur car elles ne peuvent pas bénéficier de librairies modernes – celles-ci ne fonctionnant pas nativement sur Internet Explorer. Or chez Sipios, nous souhaitons faire des applications à la pointe. C’est pour cela que l’on va lancer un Kaizen qui est d’être capable de développer en « right first time[1] » des applications modernes qui fonctionnent sur tous les navigateurs de nos clients.
Qu’en est-il de ta manière à toi de faire du Lean ?
J’ai d’abord mon Kaizen à moi, qui est de former 7 architectes développeurs d’ici la fin de l’année. Je les accompagne au quotidien. En passant beaucoup de temps avec les équipes, j’essaye de comprendre quels sont les gestes qu’ils ne maîtrisent pas, trouver quelle est la prochaine chose qu’ils doivent apprendre pour passer à l’étape suivante de leur évolution. Je les accompagne aussi sur leur Kaizen, puisque que chaque équipe projet conduit un Kaizen qui contribue à aider son client. Je fais donc beaucoup de « go and see » et des sessions de coaching.
Ma routine actuelle, c’est chaque jour de passer 1h sur mon Kaizen à moi, et le reste de la journée de faire des « go and see » pour faire du coaching – du speed coaching en 30mn – en one to one avec des développeurs sur leurs sujets de progression. Le reste de la journée est dédié au quotidien de l’entreprise : vente, recrutement, stratégie avec mon associé.
Comment as-tu appris le Lean ?
J’ai découvert le Lean chez Theodo. Lorsque je travaillais à Londres, 25% des questionnaires de satisfaction posés à nos clients révélaient qu’ils n’étaient pas satisfaits. J’ai alors démarré par une phase d’analyse de tous les retours clients pour comprendre ce qui n’allait pas. Nous avons fait des observations pour comprendre les gestes qui n’étaient pas maitrisés chez nous. C’est ainsi que nous avons compris qu’une fois un projet lancé, on déroulait bien, mais sur le début les clients n’étaient pas satisfaits sur la visibilité de ce qu’ils auraient à la fin de leur projet.
Avec ce Kaizen, nous avons été capables d’analyser méthodiquement les retours clients, puis d’améliorer notre manière de travailler en conséquence. J’ai vu que grâce au Lean, nous avions réussi à diviser par 2 l’insatisfaction client en 8 mois. En lançant mon entreprise, il était devenu évident d’adopter les pratiques du Lean Management.
Plus tard je me suis intéressé à la manière de faire des entreprises traditionnellement « Lean ». J’ai par exemple visité une usine d’avionique, où j’ai découvert notamment le principe des Dojos. J’ai d’ailleurs commencé à en faire à Sipios. Depuis lors, nous continuons avec cette approche.
Comment faites-vous un Dojo chez Sipios ?
Nous regardons les bacs rouges. Ils contiennent des fonctionnalités ratées parce qu’il y a des défauts, y compris des retards. Ensuite, selon les causes de défauts, nous déclenchons des séances où un expert d’un geste forme un développeur pendant une demi-heure. Il montre d’abord le geste une première fois. Puis ils font le geste ensemble. Ensuite la personne fait elle-même le geste tout en étant supervisée.
Comment réagissent tes collègues ?
Nous avons encore du mal à rendre nos collègues autonomes dans leur manière de faire du Lean. C’est pour cela que nous faisons encore beaucoup de « go and see » pour qu’ils avancent sur leur Kaizen respectifs. Ils n’ont pas encore le réflexe de faire du Kaizen par eux même. C’est notre gros défi du moment. Une des hypothèses de cause est que nous n’étions peut-être pas encore sur de vrais sujets de Kaizen jusque-là. Je veux parler de Kaizen qui concernent vraiment le métier des gens. Ce que nous essayons actuellement, c’est de trouver ensemble un sujet pour lequel on sait que si on réussit, on sera meilleur que les autres.
La première étape est pour nous fondateurs : nous devons apprendre à coacher encore mieux nos collaborateurs. Chaque projet à un Kaizen et avec mon associé nous faisons au minimum deux « go and see » par semaine, pour aider l’équipe à trouver un sujet qui est sur son métier. De là, elle fera réellement du Lean au quotidien.
Autrement, certains collègues dans l’entreprise sont très motivés. Ils ont envie d’apprendre, mais ont l’impression qu’on ne les fait pas travailler sur les bons sujets. D’un autre côté, d’autres collègues ne sont pas convaincus. A ces derniers, je voudrais montrer que le Lean ce n’est pas juste mesurer une performance. Pour y arriver, je pense les amener à travailler d’abord sur de petits gestes – améliorer le codage d’un bouton par exemple – pour leur montrer rapidement des résultats.
Où en êtes-vous aujourd’hui chez Sipios?
Grâce aux pratiques Lean, je pense que nous arrivons maintenant à avoir une Obeya qui nous aide à piloter nos semaines et identifier les sujets importants. Sur ce point, le bilan est positif. Nous n’avons pas encore de résultats tangibles sur les Kaizen de nos collègues, mais ils arrivent à résoudre des problèmes et à créer de la connaissance. Concernant le backend par exemple, nous avons appris le Java car nos clients en finance en font beaucoup. Grâce à la résolution de problème et aux dojos, nous avons rapidement développé une expertise en Java tout en livrant nos clients à temps. Cette capacité à partir d’une feuille blanche pour développer une expertise Java est, de mon point de vue, le résultat le plus impressionnant de l’équipe à ce jour.
Au début de Sipios, nous visions 1 million d’euros de CA en 1 an. Grâce au Lean et à l’expertise Java développée rapidement, nous avons atteint cet objectif au bout de 7 mois seulement ! Nous avons alors doublé nos objectifs car nous vendions, formions et recrutions déjà à la bonne vitesse. Nous avons réussi à garder tous nos clients depuis le début. Ils prolongent notre collaboration. Cela se fait grâce à une bonne satisfaction client. C’est en faisant du Lean au quotidien que nous sommes arrivés à faire croître l’entreprise aussi vite la 1ère année.
Que conseillerais tu à qui lance une startup ?
Le point le plus important de mon point de vue, c’est la collecte et le traitement de la satisfaction client. Il faut la faire régulièrement, méthodiquement et apprendre à l’analyser à fond car c’est toujours une mine d’or d’information. Les questionnaires clients et utilisateurs finaux sont les deux outils à utiliser pour trouver des problèmes et les traiter. Nous collectons aussi le NPS qui nous permet de savoir si les produits que nous faisons marchent réellement et ont un impact pour les utilisateurs finaux.
Qu’as-tu appris personnellement depuis que tu fais du Lean ?
Pour moi c’est le « go and see ». C’est le fait d’aller voir les gens et de rester très proche des gestes techniques qu’ils font. Avant de lancer Sipios, je ne m’imaginais pas qu’un CTO pouvait être aussi proche du code, s’intéresser de façon aussi précise à ce que font les développeurs de logiciels. J’ai appris avec la puissance du Lean, à aller voir les gens, comprendre concrètement ce qu’ils font, identifier les gestes qu’ils maîtrisent ou pas. Passer 15 minutes avec un développeur et le voir coder, identifier ce qui le ralentit, ce qu’il fait bien ou moins bien, c’est très puissant pour progresser ensemble.
Que voudrais tu demander à nos lecteurs ?
S’il est possible pour nous – équipe de management – aujourd’hui de déclencher une résolution de problème pour chaque retour client où nous identifions un écart, comment pourrions-nous continuer à y arriver alors que l’entreprise atteint une taille bien plus importante ?
[1] Terme utilisé pour traduire « bon du premier coup »
Contactez-nous pour en savoir plus ou proposer de nouveaux retours d’expérience.
Leave a Reply