Voici la dernière discussion de notre série « lean manager interview » où des leaders, à travers des questions et réponses, partagent avec nous ce qu’ils essayent de réussir avec des pratiques du Lean Management. Le focus est mis sur ce qu’ils expérimentent pour mieux satisfaire leurs clients, améliorer les conditions de travail, réduire des gaspillages ou encore apprendre plus vite ensemble avec leurs collègues.
Si vous souhaitez être interviewé de la même manière, n’hésitez pas à m’écrire, je vous appelle pour discuter des points essentiels.
Les questions sont en gras et en italique dans le texte ci-après.
Contexte
Que pouvez-vous nous dire sur vous ?
Je suis Directeur de Projet et je travaille dans le domaine des services informatiques depuis bientôt 15 ans. Je suis spécialisé dans les projets informatiques de grande ampleur – de plus de 5000 jours homme, par exemple – principalement dans le domaine du secteur public.
Quel est votre métier ?
J’estime que c’est de mener à bien les projets informatiques – construction et maintenance de systèmes informatiques – de mes clients et faire en sorte que les solutions que nous créons pour eux correspondent effectivement à leurs attentes.
Pratique Lean / Amélioration continue
Qu’essayez-vous de réussir et pourquoi ?
Je dirais que c’est faire en sorte d’améliorer la qualité du logiciel qui sort de notre usine, si je peux m’exprimer comme cela, et aussi de s’assurer qu’il en sort dans les délais.
La mise en pratique de l’amélioration continue pour moi a démarré il y a quelques temps lors d’un projet de test de logiciel. Avec une équipe de 15 personnes, nous étions chargés de vérifier toutes les versions d’un gros logiciel de liquidation de feuilles de soins, telles que reçues de notre équipe de développement.
Dans ce contexte, notre objectif était d’arriver à améliorer notre productivité ainsi que la qualité de ce que nous livrions au client.
Pour cela, nous avions démarré, quelques-uns de mes collègues et moi-même, par des exercices d’observation de notre activité de tests de logiciels, et de la manière dont nous étions organisés pour livrer un logiciel sans défauts. Nous avions fait plusieurs constats et je t’avoue que nous étions plutôt consternés par ce que nous avions vu.
Ensuite, pour concrètement se mettre en mouvement, j’ai essayé alors de mettre en place un pilotage un peu plus rapproché avec mes collègues avec lesquels je travaillais sur le projet. Par exemple, nous avions instauré des « daily meetings » très courts de 15 minutes tous les jours à 9h30 pour essentiellement voir la performance, lister les problèmes, et organiser la journée de sorte à réussir. Autre exemple, toujours d’actualité, nous faisons désormais et de façon systématique une analyse des anomalies remontées par le client. Pour chacune d’entre d’elles, nous essayons de trouver le pourquoi du pourquoi, je veux parler de la cause réelle pour la traiter de façon unitaire. C’est ainsi que certaines causes identifiées lors du projet de test de logiciels, ont amené l’expert fonctionnel de l’équipe d’alors à faire des formations ad hoc, que nous appelons « dojo » avec des testeurs. De plus, de façon régulière, à deux ou trois, pendant 1h, nous prenions un paquet d’anomalies clients et déterminions leurs causes réelles. Ensuite nous décidions d’une action radicale pour éradiquer la cause qui est revenue le plus souvent. C’est ainsi que, par exemple, nous avions fait en sorte que tous les testeurs aient les mêmes requêtes SQL pour récupérer des jeux de données pertinents, et ceci pour chaque domaine fonctionnel à tester.
Des difficultés ?
La principale difficulté au départ a été de changer le paradigme. D’abord pour moi, il m’a fallu apprendre à mettre beaucoup plus les mains dans le cambouis, être beaucoup plus présent d’un point de vue opérationnel auprès de l’équipe. En fait, je crois que j’avais tendance à laisser trop de liberté, trop de latitude – c’est comme cela que je le vois aujourd’hui – et les pratiques Lean m’ont permis de revenir sur le terrain, le découvrir à nouveau et d’être beaucoup plus présent sur les sujets. En fait, c’est beaucoup plus piloter, au sens pilote de voiture, d’avoir les deux mains sur le volant et d’être tout le temps au volant ! J’ai changé un peu de façon de piloter.
Après pour l’équipe, je crois que ça a été d’abord vécu comme un peu plus de « pression » parce qu’on attendait qu’ils soient plus impliqués, qu’ils changent de manière de penser, et qu’ils passent d’exécutant à acteurs ! Devenir acteurs de l’amélioration. C’est quelque chose qui a été compliqué à comprendre pour plusieurs collègues au début et finalement s’est avéré bénéfique pour eux et pour notre projet.
Une autre difficulté, non négligeable, a été de s’astreindre aux nouvelles routines : par exemple les rendez-vous réguliers comme nos « daily meetings ». Nous avions tous tendance à l’annuler sous prétexte qu’il y a une urgence, mais je peux te dire aujourd’hui qu’en réalité, il faut s’astreindre à le faire. Il vaut mieux apprendre à construire ses journées autour de ces nouvelles pratiques. Il en est de même pour la mise à jour de nos indicateurs de performance au mur : il faut le faire de manière régulière au début pour que cela devienne une habitude. Au-delà de cet aspect purement organisationnel, n’oublions pas que l’indicateur de performance au mur est indispensable pour voir l’amélioration.
Où en êtes-vous ?
Il est devenu évident pour plusieurs d’entre nous que c’est avec cette nouvelle approche qu’il fallait désormais travailler tous ensemble. Il y a eu une sensibilisation des collaborateurs à l’importance de l’amélioration de la qualité en particulier. J’ai vu une plus forte implication de chacun pour aller dans ce sens.
J’ai également noté que mes collègues se sont sentis plus impliqués à partir du moment où ils se retrouvaient face à la réalité d’un test qu’ils ont mal fait et qui a entrainé une anomalie signalée par le client. Sans cela, chacun était dans son coin. Pour le projet de test, en 3 mois, nous avions divisé par deux les retours clients, et fait +200% en productivité. Maintenant j’ai l’impression que chacun se sent concerné par la bonne marche du projet, pour livrer un logiciel sans défaut pour que le client soit content.
Perspectives
Quelles sont vos prochaines étapes ?
Pour ma part, j’ai acquis de nouveaux gestes de management que je continue de pratiquer tous les jours. Nous avions expérimenté ces nouvelles pratiques Lean avec une équipe. Il aurait fallu déployer la démarche sur l’ensemble du projet. Je considère cela comme une prochaine étape qu’on peut toujours envisager.
Qu’en avez-vous appris personnellement ?
Un vrai shift mental : si tu veux que le projet avance, que tes collaborateurs se sentent impliqués, il faut mettre les mains dans le cambouis, connaître son équipe, s’intéresser et connaître les forces et faiblesses de chaque personne. Passer du mode relevé de compteur à coach ! leader ! faire en sorte que les gens soient dans les meilleures conditions possibles pour travailler, et ainsi donner le meilleur d’eux-mêmes. Sur un projet, ce n’est pas une personne avec un fouet qui fait que les autres avancent !
Je me vois beaucoup plus maintenant comme un genre de facilitateur, je fais en sorte que les personnes qui travaillent avec moi soient dans les bonnes conditions, qu’elles soient bien formées pour leurs tâches, qu’elles aient les meilleurs outils, qu’elles puissent porter des améliorations de façon autonome. Autrement, je ne peux plus attendre d’une équipe qu’elle soit performante.
Une question pour vos lecteurs ?
Est-ce que vous pensez bien connaître les membres de vos équipes ? Leurs forces et leurs faiblesses ?
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